20-21 avril 1944 : le bombardement du dépôt de La Plaine Saint-Denis et de la gare de triage de La Chapelle

À l’approche du Débarquement de Normandie , les forces alliées intensifient les raids aériens stratégiques sur le territoire français, dans le but de désorganiser les capacités logistiques de l’armée allemande. Les nœuds ferroviaires et dépôts sont alors ciblés de manière répétée, afin de ralentir les mouvements de troupes et d’équipements vers les zones de combat. Dans ce contexte, la gare de triage de La Chapelle et le dépôt de La Plaine Saint-Denis deviennent des objectifs prioritaires.

Le dépôt de la Plaine, avant 1944

Dans la nuit du 20 au 21 avril 1944, une imposante opération aérienne est déclenchée. Partie d’Angleterre, une flotte composée de 247 bombardiers lourds Avro Lancaster et du 22 Mosquito du 627e Squadron de la Royal Air Force largue plus de 2 000 bombes sur les installations visées.

Le bombardement se déroule en deux vagues principales, espacées d’environ une heure. Si la première frappe atteint en grande partie les objectifs militaires, la seconde est beaucoup plus imprécise. Les nuées de fumée dégagées par les premières explosions désorientent les équipages. Faute de visibilité, nombre de bombes sont larguées à l’aveugle et s’abattent tragiquement sur des quartiers habités.

Le dépôt de la Plaine après les bombardements de 1944 (registre Nord 1945)

La Plaine, le 21 avril 1944 (dépôt SNCF de la rue du Bailly)

Le bilan humain est particulièrement lourd : 641 morts sont recensés, dont 218 habitants de La Plaine Saint-Denis, ainsi que plus de 377 blessés. Ce raid figure parmi les plus meurtriers que la région parisienne ait connu pendant la guerre.

Les infrastructures ferroviaires sont également gravement endommagées. Le dépôt de La Plaine est détruit à près de 90 %, et la gare de La Chapelle subit des dégâts considérables. Ces destructions sont documentées, notamment dans un numéro photographique du registre de la Traction de la région Nord daté de 1945, conservé par les archives du groupe SNCF.

Ce bombardement frappe durablement les esprits. Le maréchal Pétain, chef de l’État français, exploite cet événement à des fins de propagande. Le 26 avril 1944, il se rend à Paris depuis Vichy pour assister à une messe commémorative en la cathédrale Notre-Dame, puis s’adresse à la population devant l’Hôtel de Ville, dans une tentative de renforcer la légitimité du régime de Vichy face à une opinion publique brisée.

Des traces encore visibles aujourd’hui

Près de 80 ans plus tard, cet épisode dramatique résonne encore dans l’actualité. Le 7 mars 2025, le trafic de la gare de Paris-Nord est entièrement interrompu après la découverte, sur un chantier voisin de l’ancien dépôt de La Plaine, d’une bombe de 500 kg conservée enfouie depuis le raid du 21 avril 1944. Une preuve tangible que les séquelles de ces bombardements stratégiques continuent, encore aujourd’hui, à affecter notre quotidien.

Bombe de 500 kilogrammes découverte le 7 mars 2025. Crédit photo : Ministère de l’Intérieur