L’arrivée du chemin de fer à Blois et son impact urbain

SNCF-CNAH SARDO

L’invention du chemin de fer et son développement va modeler profondément les paysages de nos campagnes et l’aménagement de nos villes. De nouveaux quartiers vont ainsi voir le jour autour d’installations créés et inventées pour le chemin de fer et dont le point d’entrée sera l’embarcadère, puis la station avant de devenir plus communément la gare. C’est donc en ce lieu qui caractérise le lien entre la ville et le chemin de fer que vous pourrez découvrir une exposition proposée en partenariat par le SARDO et la Direction des Affaires culturelles de SNCF Gares & Connexions, à l’initiative des “Rendez-vous de l’histoire”. Elle rassemble une sélection de documents issus des fonds d’archives historiques du groupe SNCF et vous invite à découvrir l’histoire de l’arrivée du chemin de fer dans la ville de Blois, de la construction du premier “embarcadère” et des évolutions successives des installations et des bâtiments ferroviaires. Elle sera présentée le vendredi 11 octobre à la gare de Blois et se poursuivra jusqu’au 15 novembre 2024.

À une époque où les moyens de transport sont lents et limités en capacité, l’invention du chemin de fer marque une véritable révolution. Initialement redouté pour ses prétendus effets néfastes de la vitesse sur le corps humain, il devient rapidement un objet de convoitise et un moteur incontournable du développement économique au cœur de la Révolution industrielle.

L’aventure du chemin de fer français débute en 1828 avec la première ligne entre Saint-Étienne et Andrézieux, initialement dédiée au transport de charbon. Le transport de voyageurs commence quant à lui en 1831, avec les premières lignes régulières dès 1832. L’engouement pour le rail croît, poussant l’État à s’impliquer.

En 1838, un débat émerge sur le rôle de l’État dans le financement du réseau ferroviaire. La loi de 1842 instaure un modèle mixte : l’État finance les infrastructures majeures, tandis que les entreprises privées gèrent les superstructures et l’exploitation. Neuf grandes lignes, constituant l’« étoile Legrand », sont prévues, dont certaines prioritaires comme Paris-Lyon et Paris-Bordeaux.

Cette loi marque le début d’une expansion rapide du réseau, notamment à partir des années 1850. Sous le Second Empire, les nombreuses petites compagnies se regroupent en six grandes entités, contribuant à la structuration du réseau autour de Paris. En 1860, le réseau atteint 9 000 kilomètres, reliant les principales villes du pays.

La création du premier quartier de l’embarcadère à Blois

Dès 1835, les premiers projets de liaison ferroviaire entre Paris, Tours et Nantes reçoivent un avis favorable du conseil municipal de Blois. Cependant, il faudra attendre la loi du 11 juin 1842 pour impulser la construction des grandes lignes du réseau ferré depuis Paris. La desserte de Paris à Orléans est inaugurée dès 1843, puis rapidement prolongée jusqu’à Tours via Blois, trois ans plus tard. C’est grâce à la décision de faire de la ligne « Paris à la frontière espagnole » via Orléans, Bordeaux et Bayonne une priorité nationale que Blois voit arriver le chemin de fer. Ainsi, la liaison entre Tours et Orléans via Blois devient une réalité dès 1846, bien que la première gare, alors appelée « embarcadère », ne soit achevée qu’en 1847. Situé au point kilométrique 179,81 de la ligne Paris-Bordeaux, l’embarcadère se trouve à 100 mètres d’altitude, sur les hauteurs de la ville.

Le premier train atteint Blois le 23 mars 1846, suivi du convoi inaugural le 26 mars, transportant à son bord les ducs de Nemours et de Montpensier, fils du roi Louis-Philippe.

L’expansion rapide du réseau ferroviaire, avec l’ouverture de nouvelles lignes vers Vendôme et Romorantin, révèle rapidement les limites des infrastructures de l’embarcadère, rebaptisé « station » d’après le modèle britannique. Face à l’augmentation constante du nombre de voyageurs, il devient évident qu’une refonte complète des installations est nécessaire.

En 1892, le premier embarcadère est entièrement détruit pour faire place à une nouvelle gare, dont le bâtiment voyageurs est déplacé à l’ouest de l’ancienne structure, coupant l’avenue de l’Embarcadère. Les travaux, étalés de 1889 à 1893, métamorphosent le quartier avec la création de nouvelles rues et infrastructures, notamment des ponts au-dessus des voies ferrées, comme celui de l’avenue Gambetta.

La gare s’agrandit avec la construction de nombreuses voies et bâtiments : un dépôt de locomotives avec rotonde et plaque tournante, une extension de la gare de marchandises, de nouvelles halles, quais couverts et voies de desserte. Un nouveau système de numérotation des voies, encore en vigueur aujourd’hui, est mis en place : la voie 1 vers le sud et la voie 2 dans l’autre sens, jusqu’à la voie 14.

En parallèle des travaux de génie civil, le quartier voit apparaître des immeubles et des bâtiments industriels, dont ceux de la célèbre chocolaterie Poulain, profitant de la proximité du rail pour transporter rapidement leurs marchandises.

Devenue un point névralgique des dessertes régionales, la gare de Blois connaît un développement considérable entre 1880 et 1910, période durant laquelle le Loir-et-Cher devient l’un des départements les mieux équipés de la région en infrastructures ferroviaires.

Cartes postales du Centre national des Archives historiques

L'ancienne gare de Blois (cliché Habert-Godefroy)

La nouvelle gare de Blois de 1893 (édition G. Huguet)

La gare intérieure de Blois vers 1900

Un tramway pour desservir la ville et la gare

L’année 1910 marque le début de l’exploitation d’un réseau de tramways électriques à Blois. Ce réseau s’organisait autour de cinq lignes, dont le point de départ se situait face à l’octroi de « Saint-Gervais », à l’extrémité de l’actuelle avenue du Président-Wilson. La ligne n°1 reliait cet emplacement à la gare Paris-Orléans, en passant par l’avenue de l’Embarcadère, aujourd’hui renommée avenue du Docteur Jean-Laigret. La gare dite « Blois Électrique », construite rue du Déversoir (aujourd’hui rue Dupré), servait de halte pour le réseau départemental des tramways électriques de Loir-et-Cher (TELC). Mis en service en 1913, ce réseau desservait Amboise, Cléry et Selles-sur-Cher.

Cependant, les difficultés apparurent avec la Première Guerre mondiale, et le réseau ne put résister à la montée en puissance de l’automobile. L’exploitation des tramways électriques prit fin définitivement en 1933.

Blois entre destruction et reconstruction

Bien que la modernité de l’après-guerre ait permis l’électrification en 1500 V continu de la ligne de Paris à Bordeaux, la Seconde Guerre mondiale allait bientôt plonger la ville de Blois dans une période de désolation et de souffrances.
Au début de la campagne de France, entre le 15 et le 17 juin 1940, les escadrilles de l’aviation allemande bombardèrent intensivement Blois, ciblant particulièrement le quartier de la gare. Le dimanche 16 juin 1940, la ville subit quatre vagues de bombardements. Ces attaques dévastatrices furent suivies de gigantesques incendies qui ravagèrent la ville, laissant derrière eux près de 6 hectares de ruines. La destruction fut considérable, mais la ville se lance dans un effort de reconstruction pour réparer les dommages causés par ces événements. Le mardi 18 juin 1940, les premières troupes allemandes arrivent à Blois par le nord. Pendant la période d’occupation, la ville ne pourra entamer sa reconstruction, et de nouvelles destructions viendront s’ajouter, marquant profondément Blois d’épisodes tragiques. Le 29 août 1942, la Royal Air Force britannique mène un bombardement sur la voie ferrée près de la sortie du parc du château. Selon les renseignements locaux, un convoi d’armement militaire allemand était censé se trouver à cet endroit. Cependant, les bombes anglaises touchèrent en réalité un train de voyageurs. Ce raid aérien fit 27 victimes civiles, causant une nouvelle douleur à une ville déjà éprouvée.

Avec le temps, les bombardements sur Blois s’amplifient à l’approche du Débarquement en Normandie. Les forces alliées, cherchant à couper tous les itinéraires pour l’acheminement des renforts et du ravitaillement aux troupes allemandes, intensifient leurs attaques pour affaiblir les capacités logistiques de l’ennemi. En juin 1944, les Alliés ciblent la gare et les usines Rousset dans le but d’interrompre les lignes ferroviaires essentielles au ravitaillement du front de Normandie. Le 11 juin, une escadrille de 40 bombardiers américains B-24 Liberator réduit en débris le pont ferroviaire de Blois-Romorantin. Les raids se poursuivent régulièrement avec des attaques successives les 14, 21 et 27 juin 1944, ciblant les ponts et les lignes ferroviaires, causant de nombreux dégâts et des victimes civiles. Le 29 juin, la place Louis XII est bombardée.
En juillet 1944, les bombardements continuent sans relâche. Du 11 au 12 juillet, la voie 1 de la gare est détruite, la façade de l’école Saint-Charles est sévèrement endommagée, et les dégâts s’étendent jusqu’au jardin du palais de justice. Au fil du mois d’août, les combats d’artillerie remplacent la destruction des bombardements aériens. Les tirs des canons alliés et allemands touchent la ville, notamment le 18 août, frappant la gendarmerie et la rue des Écuries du Roi, et le 23 août 1944, le château.

La libération de Blois

Le 15 août 1944, un convoi du « 166th Engineer Combat Battalion » de l’armée américaine arrive de Molineuf avec pour mission de sécuriser le pont de Blois, un point stratégique pour protéger l’avancée des Alliés. À leur arrivée au carrefour des Allées, les premiers véhicules sont pris sous le feu des défenses allemandes. L’attaque coûte la vie à deux soldats américains et un résistant, obligeant les troupes à se replier vers Vendôme.

Le 16 août, plus de 500 résistants blésois passent à l’action pour libérer la ville. Le même jour, ils parviennent à reprendre le contrôle de la rive droite. Blois se retrouve alors scindée en deux, tandis que les derniers soldats allemands, dont des membres de la Hitlerjugend, se replient sur la rive sud, à Vienne. Pour ralentir la progression alliée, ils font sauter les trois arches centrales du pont Jacques-Gabriel, coupant toute possibilité de traverser le fleuve. Ils installent ensuite leur artillerie sur les hauteurs de Saint-Gervais, renforçant leur position défensive.

Bien que les rues de la rive droite soient rapidement pavoisées après le retrait allemand, les combats se poursuivent. Pendant plusieurs jours, de violents échanges de tirs éclatent des deux côtés de la Loire. Les canons allemands, postés en hauteur, infligent de lourds dégâts : un obus endommage notamment la chapelle du château. Des tireurs ennemis se positionnent dans le clocher de l’église Saint-Saturnin, prenant pour cible les personnes qui osent s’aventurer à découvert sur la rive opposée. Les FFI, retranchés sur les terrasses de l’évêché, ripostent, mais subissent eux aussi des pertes. Un jeune combattant de 20 ans est abattu par un tir ennemi.

Le 31 août, dans la soirée, un incendie éclate dans des baraquements situés entre la Loire et la rue Croix-Boissée. En réponse, les Allemands lancent une dernière salve d’artillerie, marquant leur ultime offensive.

Le matin du 1er septembre 1944, la rive sud est enfin silencieuse. Aucun uniforme allemand n’est visible : durant la nuit, les troupes d’occupation se sont retirées, mettant ainsi fin à quatre années d’occupation. Blois est désormais libre.

Une ville meurtrie et en transformation

Dès les premiers mois après la Libération, les déblaiements commencent, mais la véritable reconstruction ne débutera qu’en 1946, s’étendant jusqu’aux années 1960. Ce long processus de rebâtir la ville fut marqué par de nombreux débats sur l’orientation et la refonte des quartiers détruits.

Cependant, l’histoire du quartier de la gare ne s’arrête pas à cette période de reconstruction. Au fil des décennies, il a continué à évoluer, se transformant en fonction des besoins ferroviaires et urbains. La réappropriation des espaces de l’ancienne gare de marchandises, la démolition des halles SERNAM dans les années 2000, la construction d’une passerelle PMR et cyclable en 2015, ou encore la réorganisation du parvis et des aménagements de la gare voyageurs témoignent de cette métamorphose continue.

Ainsi, le quartier de la gare reste en perpétuel changement, s’adaptant aux nouvelles exigences de la ville et à celles de ses habitants. Une histoire qui s’écrit encore aujourd’hui…

Photographies de la Médiathèque du SARDO

La façade de la gare de Blois. LUCIEN DELILLE (5 juin 1958).

Le buffet de la gare de Blois. LUCIEN DELILLE (5 juin 1958)

Le hall de la gare de Blois. LUCIEN DELILLE (5 juin 1958).

La gare de Blois. BRUNO VIGNAL (1 février 1983).

Train voyageurs composé de voitures corail et scène de quai en gare de Blois. BRUNO VIGNAL (3 mai 1990).

La façade de la gare de Blois. BRUNO VIGNAL (6 novembre 1991).

Fondé en 1998 sous l’impulsion de Jack Lang alors maire de Blois et dirigé par leur créateur Francis Chevrier, le festival « Les Rendez-vous de l’histoire » est devenu, au fil des années, le premier festival des idées en France.

Historiens et historiennes, chercheurs et chercheuses ou encore enseignants et enseignantes, se retrouvent à Blois pour exposer l’état de leurs réflexions, présenter leurs travaux, confronter leurs points de vue dans le but de concourir aux progrès de la recherche et de la connaissance historique.

Les Rendez-vous de l’Histoire en quelques chiffres :

  • 1000 intervenants
  • plus de 600 débats et conférences
  • 150 éditeurs présents
  • 300 auteurs en dédicace
  • 50 000 festivaliers
  • un salon du livre
  • le cycle cinéma – 50 films
  • des cafés et des diners historiques
  • des expositions
  • des concerts
  • des spectacles