Les bombardements tragiques de Villeneuve-Saint-Georges (avril 1944)

SARDO CNAH

Pendant l’Occupation, le triage ferroviaire de Villeneuve-Saint-Georges constitue un nœud stratégique : chars d’assaut, véhicules blindés, bombes et munitions en provenance d’Allemagne y transitent avant d’être acheminés vers le front. À l’approche du Débarquement de Normandie, sa destruction devient une priorité pour les Alliés, afin de paralyser l’approvisionnement de l’armée du Troisième Reich.

Intérieur de la rotonde du dépôt de Villeneuve – SARDO CNAH (D01298976). Crédits : H. Baranger.

La nuit du 9 au 10 avril 1944

La nuit du 9 au 10 avril 1944, sera un lendemain de Pâques tragique et sanglant pour les habitants et les cheminots de Villeneuve et de ses environs lorsque les bombardiers anglo-américains larguent des milliers de bombes sur la gare de triage.

Ce soir-là, alors que la région sombrait dans le sommeil, les populations furent brutalement réveillées par un déluge de bombes, marquant l’un des épisodes les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale en Île-de-France. À 23h57, 166 bombardiers quadrimoteurs Lancaster et 49 Halifax survolent le secteur, précédés par 10 chasseurs Mosquitos chargés de baliser la zone de largage. Le bombardement, d’une intensité redoutable, ne dure que 35 minutes. Il s’achève à 00h32, le 10 avril. Au lever du jour, l’ampleur des destructions se révèle : pas moins de 1 300 points d’impact sont recensés, touchant particulièrement le quartier nord, où plusieurs bombes sont tombées en dehors de la zone prévue. 437 immeubles sont endommagés, dont certains complètement détruits. Les secours découvrent un véritable champ de ruines. 262 victimes sont dénombrées, dont 166 restent non identifiées. Plus de 200 blessés sont pris en charge. Les sauveteurs, sous le choc, assistent à des scènes de désolation, tandis que des familles errent parmi les débris à la recherche d’un objet, d’un souvenir, d’un fragment de vie.

Triage de Villeneuve et ateliers détruits – SARDO CNAH (D01298976). Crédits : H. Baranger.

Triage de Villeneuve : intérieur d’un atelier dévasté – SARDO CNAH (D01298976). Crédits : H. Baranger.

La ville voisine de Valenton est, elle aussi, lourdement touchée : 274 immeubles sur 518 sont détruits ou gravement endommagés. À Créteil, on recense 18 immeubles complètement détruits, 90 partiellement touchés, 41 morts –  dont 29 dans le quartier du Val-Pompadour – 66 blessés et près de 800 sinistrés. 

Dans une note poignante, Maurice Tosca , alors chef de cabinet adjoint du préfet de police, décrit les lieux :

« Des monceaux de déclins atteignent parfois plusieurs mètres de hauteur. En dehors du spectacle tragique des morts, souvent horriblement déchiquetés qu’on retire, il n’est rien de plus navrant que de voir, parmi les pierres et les poutres, parmi les meubles fracassés, des êtres humains chercher quelques reliques. Ce à quoi on tenait le plus n’était pas nécessairement ce qui avait matériellement le plus de valeur. »

Le 10 avril 1944 est une date tragique et indélébile pour Villeneuve-Saint-Georges, Valenton et Créteil.  Mais cette première nuit d’horreur n’était que le début. Très vite, les habitants – et notamment les cheminots de Villeneuve – se retrouvent à nouveau sous une pluie d’engins meurtriers. Larguées à l’aveugle, de nombreuses bombes s’abattent sur les quartiers résidentiels, bien loin des cibles ferroviaires initialement visées. Ces infrastructures, pourtant déjà réparées à la hâte sous la pression de l’occupant pour assurer le ravitaillement des troupes allemandes, n’étaient plus les seuls témoins du conflit : c’est toute une population civile qui en subit désormais les conséquences directes.

Triage de Villeneuve et halles marchandises détruites – SARDO CNAH (D01298976). Crédits : H. Baranger.

Triage et dépôt de Villeneuve : bâtiments administratifs et ateliers détruits – SARDO CNAH (D01298976). Crédits : H. Baranger.

La nuit du 26 au 27 avril 1944 

Dans la nuit du 26 au 27 avril 1944, le triage de Villeneuve-Saint-Georges est, une nouvelle fois, la cible d’un bombardement allié. La zone qui regroupe les installations de l’un des plus grands sites ferroviaires d’Europe est devenue une cible stratégique dans la reconquête de la France.

Partis d’Angleterre dans la soirée du 26 avril 1944, 217 bombardiers de la Royal Air Force (RAF) arrivent sur le site du triage de Villeneuve vers minuit marquant le début de l’enfer. Entre minuit et 1 heure, un déluge de feu s’abat sur la zone et pas moins de 1 800 bombes vont être larguées en cette nuit d’avril 1944 sur les 4 km2 du site. Le bombardement cause la mort de 25 civils, dont des enfants, mais on dénombre également 15 victimes parmi les cheminots allemands. Les dégâts matériels sont importants, presque tout le quartier a été rasé, les maisons et bâtiments éventrés, les voies de chemin de fer pulvérisées et les wagons et voitures complètement déformés ou détruits. Sur ces deux nuits d’apocalypse d’avril 1944, l’on dénombrera 261 voitures voyageurs détruites et 1 897 wagons de marchandises.

En juillet 1944, deux autres raids aériens de moindre importance toucheront encore Villeneuve qui sera enfin libérée au mois d’août 1944…

Photographie issue des rapports d’activités qui représente une vue d’ensemble des ateliers voitures de Villeneuve après le 27 avril 1944 – SARDO CNAH (0266LM0001/001).