D’un record de vitesse sur rail à l’autre… de 1954 à 2007

Médiathèque SARDO

Dans une période où la SNCF connaît une modernisation considérable, elle se livre en Bourgogne à de nouveaux essais de vitesse, toujours en quête de performance techniques visant à améliorer son service et à satisfaire sa clientèle. Ces efforts ont déjà conduit la SNCF à atteindre à plusieurs reprises le record mondial de vitesse sur rail.

Un record qui s’inscrit dans un contexte historique…

A la fin des années 1940, la France sortait péniblement de la Seconde Guerre mondiale. Avec ses infrastructures en ruines, la priorité était de rebâtir un réseau très durement touché.

Au bénéfice de cette reconstruction, entamée dès la Libération, à l’été 1944, et amplifiée de la fin des années quarante au début des années cinquante, la SNCF se lance dans une phase importante de modernisation de ses infrastructures, de ses modes d’exploitations et de traction. La plus grande partie de son réseau est électrifiée en 25 000 volts, à l’exemple de l’artère Nord-Est et son matériel roulant (wagons et locomotives), et connaît de nombreuses améliorations. A partir de 1950, la ligne Paris-Marseille est entièrement électrifiée, fidèle au 1500 volts continu et le train “Mistral” tracté par des locomotives de grande puissance relie les deux villes à une vitesse moyenne de plus de 100 km/heure.

Mais augmenter la vitesse des trains ne se fait pas en un jour et cela nécessite de mener de nombreuses études sur le matériel et son utilisation, afin d’être totalement certain de la fiabilité des trains. Dans le même temps, au début des années 1950, les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile se sont considérablement développés formant une concurrence de plus en plus vive pour le rail. Ainsi, un voyage entre Paris et Dijon prenait alors plus de temps par le train que par l’autoroute. De fait, la SNCF va faire le pari de la vitesse, pensant que l’avenir allait se jouer avec des transports rapides. Avec ces nouveaux essais de 1954, il s’agit pour la SNCF de connaitre la marge de sécurité existant pour un train circulant normalement à la limite de 140km/h assignée par le service des installations fixes. Dans le même temps, il est nécessaire dans le cadre d’une recherche de productivité et de réduction des prix de revient, d’estimer dans quelle mesure la construction de matériels capables de rouler de plus en plus vite réduit aux vitesses usuelles les dépenses d’entretien de la machine et de la voie. Un objectif est alors fixé en ce début d’année 1954 : faire en sorte que les essais envisagés soient non seulement concluants, mais également à l’origine de nouveaux records du monde de vitesse sur rail.

Le 21 février 1954, premier record de vitesse sur rail

L’équipe d’ingénieurs de la Direction des Études de Traction Électrique (DETE) qui se penchaient sur la question de la grande vitesse dans les années 1950, était dirigée par Marcel Garreau et Fernand Nouvion. Ensemble, ils ont alors mené des essais ayant pour but d’analyser le comportement du matériel et de la voie à plus de 200 km/h et espéraient, grâce à ces tests, pouvoir trouver la façon d’augmenter la vitesse des trains les plus rapides de l’époque, à 150 km/h.

Les essais ont lieu entre le 17 et le 21 février 1954 sur la ligne Dijon-Beaune, choisie pour différentes raisons. La section de la ligne de 36 km construite avec des rails de 50kg au mètre, ne compte que des courbes d’un rayon de 4000m à Nuits-Saint-Georges et Corgoloin. Elle bénéficie d’une bonne alimentation électrique grâce aux sous-stations présentes tous les 8 km qui limitent les chutes de tension lors de forts besoins d’intensité. Cette ligne était donc bien adaptée à ce genre de tests facilitant les hautes vitesses pouvant être supérieures à 200 km/h.

Le train d’essai était un train classique, composé de trois voitures d’un modèle récent pour l’époque (DEV acier ordinaire) de type A3B5 ayant déjà parcouru près de 40.000 km depuis leur mise en service. La locomotive CC 7121, construite par la société Alsthom et mise en service le 1er novembre 1953, faisait partie d’une série de 65 unités et n’avait subi aucune modification pour effectuer ces essais. Elle comptait alors 78.800 km depuis sa sortie d’usine. L’équipe de conduite avait été choisie au sein de l’arrondissement de Dijon. Le convoi composé des trois voitures comptait un poids de 111 tonnes en remorque soit, en y ajoutant la locomotive de 107 tonnes, un total de 218 tonnes. La marche de ce train numéroté 14505 partait à 12h30 de Dijon pour une arrivée à Beaune vers 12h44. Le programme est établi précisément avec pour chaque jour une tentative d’augmentation des vitesses dont les mesures seront obtenues par pointages successifs :

  • Mercredi 17 février, les essais font monter le convoi à 180 km/h.
  • Jeudi 18 février, la vitesse atteint les 194 km/h.
  • Vendredi 19 février : un nouvel essai démarre, avec pour objectif d’atteindre les 200 km/h. Cette vitesse est effectivement atteinte et dépassée, mais le compteur ne va pas au-delà, impossible de connaître avec précision la vitesse du train qui aura atteint 230 km/h ce jour-là. Il faudra le changer rapidement pour passer à l’essai suivant.
  • Samedi 20 février, nouvel essai toujours plus rapide avec 233 km/h
  • Dimanche 21 février, le train laboratoire toujours tracté par la locomotive électrique CC 7121 s’élance pour un nouvel essai.

Le convoi s’offre le luxe de battre l’avion de tourisme de type Piper-Club qui avait tenté de le suivre sur le parcours pour un hebdomadaire parisien très connu, avant de renoncer lorsque le train a dépassé les 190 km/h, vitesse maximum pour l’appareil ! Quelques instants plus tard, la CC 7121 atteint la vitesse de 243 km/heure et pulvérise le record du monde de vitesse sur rail au PK 331 à hauteur de Vougeot. Le train entre ensuite en gare de Beaune, témoin en ce 21 février 1954 de ce nouveau défi technologique que venait de relever la locomotive CC 7121.

Le vendredi 14 mai 1954, à Paris en Gare de Lyon, le secrétaire d’État au commerce remet officiellement à la locomotive CC 7121, détentrice du record du monde de vitesse sur rail, le label « beauté de France », « consacrant une des magnifiques réussites de la technique française ». La cérémonie se déroule en présence de M. Louis Armand, Directeur général de la SNCF et de M. Le Bourhis, Président général de la société Alsthom.

 

La CC 7121 au départ de la gare de Dijon

La CC 7121 en tête de la rame du record du monde de 1954

La CC 7121 après le record arbore sa plaque honorifique sur ses côtés

CC 7121 au Dépôt du Charolais gros plan sur la plaque du record de vitesse du 21 février 1954 SARDO Vdr Dir Mat 4

Ruban bleu record du monde 243 km/h

Affiche La Vie du Rail (VDR430) A. BRENET

Les records de vitesse sur rail de 1954 aux années 1990

  • Les 28 et 29 mars 1955, 331 km/h avec la CC7107 et la BB 9004 :
    • Le 28 mars 1955, la locomotive électrique CC 7107 (Alsthom) de la SNCF atteint la vitesse de 331 km/h sur la ligne des Landes entre Facture et Morcenx
    • La SNCF rééditera ce record le lendemain, 29 mars 1955 avec la BB 9004
  • Le 26 février 1981 le TGV Sud-Est bas le record du monde de vitesse à 380 km/h.
  • Le 18 mai 1990 le nouveau record s’établit à 515,3 km/h avec une rame TGV Atlantique. L’événement sera gravé dans la mémoire des agents SNCF qui se voient remettre un coffret crée pour cette occasion contenant un porte-clés et un « pins ».
  • La CC 7121 bat le record du monde de vitesse à 243 km/h le 21 février 1954 entre Dijon et Beaune avec trois voitures
  • Deux CC 7100 en double traction atteignent la vitesse de 210 km/h avec quinze voitures
  • La CC 7107 bat le record du monde de vitesse à 331 km/h le 28 mars 1955 sur la ligne des Landes avec trois voitures
  • La CC7147 a parcouru, entre le 1er mars 1955 et le 1er décembre 1955, 426559 km avec chaque jour deux aller et retour de Paris à Lyon, ce qui équivaut en marche continue, 24 heure sur 24, à la vitesse de 83 km/h sans arrêt pendant sept mois.

(Source Direction du Matériel – VdR)

Le record du 3 avril 2007

Un TGV français de série, amélioré et équipé en véritable laboratoire roulant, a réussi à atteindre la vitesse de 574,8 km/h le mardi 3 avril 2007.

Composée de deux motrices et trois voitures, dont l’une d’entre elles comportait aussi un nouveau bogie moteur, la rame de type duplex s’est élancée à 13h01 sur la ligne à grande vitesse est-européenne, dans le sens province-Paris.

A bord du train, avaient pris place plusieurs dizaines de techniciens ainsi que des invités de marque, dont le PDG d’Alstom Patrick Kron, la présidente de la SNCF Anne-Marie Idrac, ainsi qu’Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF) et Guillaume Pépy, alors numéro deux de la SNCF. La rame avait subi plusieurs modifications par rapport aux trains circulant sur le réseau, mais restait strictement de série. La voiture-bar centrale était équipée d’un bogie central moteur, les roues avaient été très légèrement agrandies pour éviter la mise en surrégime des moteurs, et un soin tout particulier avait été apporté à leur fabrication.

Éric Pieczac, le conducteur choisi pour piloter cette rame TGV reste toujours détenteur de cet exceptionnel record du monde de vitesse sur rail à 574,8 km/h. Il nous raconte cette journée particulière du mardi 3 avril 2007 qui a changé sa vie, lors d’une interview réalisée par la journaliste Louise Ekland au siège de l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC) à Paris.

Ces records de vitesse sur rails illustrent l’engagement de la SNCF envers l’innovation et la recherche de performances techniques toujours plus élevées dans le domaine ferroviaire.