Peu à peu, grâce à des conventions signées avec les compagnies ferroviaires nationales, Georges Nagelmackers parvient à faire circuler ses premiers wagons-lits dans des trains aux destinations internationales.
En ce sens, une convention provisoire est signée avec la Compagnie des Chemins de fer de l’Est, le 17 février 1873, pour la mise en circulation de wagons-lits (système Nagelmackers) dans des trains de Paris à Avricourt, destination Strasbourg et de Paris à Pagny Sur Moselle, destination Francfort.
L’ordre de service n°68 de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est, en date du 14 juillet 1873, convient de la mise en circulation de voitures à lits nouveau modèle dans deux trains postes (n°39 et 42) de la ligne Paris à Avricourt. Nous vous invitons à découvrir ce document original issu de nos fonds d’archives historiques.
Ordre de service n° 68 du 14 juillet 1873 (archives SARDO)
Mais rapidement l’entreprise connaît des difficultés financières et Georges Nagelmackers perd le soutien des banques. Le 4 décembre 1876, il fonde alors à Bruxelles la célèbre « Compagnie internationale des wagons-lits » qui deviendra en 1884 la « Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens », un nom en lien avec le développement de son activité.
De nouvelles conventions sont établies avec les Compagnies ferroviaires pour la mise en circulation de wagons-lits dans les trains circulant entre le réseau de l’Est, l’Allemagne et l’Autriche.
A titre d’exemple, nous vous proposons de découvrir ici l’ordre de service n°188 du 1er avril 1878 de la Compagnie des Chemins de fer de l’Est qui vient nous préciser les conditions de visite spéciale et de révision de ces wagons-lits de « la Société internationale des wagons-lits », nouvellement créée, et circulant entre Paris et Vienne et Paris et Francfort.
Ordre de service n°188 du 1er avril 1878 (archives SARDO)
La jeune Compagnie internationale des wagons-lits lance, les 10 et 13 octobre 1882, un aller-retour Paris-Vienne en train de nuit de luxe, baptisé « Train Éclair Paris-Vienne », et composé de quatre voitures-lits, d’une voiture-restaurant et de deux fourgons. Le train relie les deux capitales en 27h53 min et constitue le tout premier train que la Compagnie affrète intégralement. Cette relation fait l’objet d’une convention signée entre la Compagnie internationale des wagons-lits et les différentes compagnies ferroviaires traversées.
Nous vous proposons de découvrir, ci-dessous, un exemplaire original du traité, provenant de la Cie des Chemins de fer de l’Est, issu de nos fonds historiques.
Traité du 13 mai 1880 (archives SARDO)
Les premiers tours de roue de l’Express d’Orient 1883
Devant le succès du train Paris-Vienne, Georges Nagelmackers a l’idée de prolonger le trajet vers Constantinople, capitale de l’Empire ottoman, qui fascine toujours autant. L’année 1883 marquera le début de cette grande histoire et de ce tour de force à la fois diplomatique et technique, fruit de nombreuses tractations pour aboutir à la signature d’un traité, véritable acte de naissance d’un train qui s’appelait alors « l’Express d’Orient ».
Le traité de mars 1883, qui établit les engagements de l’ensemble des réseaux signataires et de la Compagnie internationale des wagons-lits, vous est présenté ici. Il établit l’organisation d’un train rapide particulier entre Paris et Giurgevo en Roumanie, ville située sur les rives du Danube face à la Bulgarie. Ce train est alors dénommé : « Train Express d’Orient ». Il est intéressant de se reporter à son article 12 qui précise que : « cette convention n’entrera en vigueur que quand les trains « Express d’Orient » seront assurés d’une correspondance directe et convenable ».
Le traité de mars 1883 « Train Express d’Orient » (archives SARDO)
Le 5 juin 1883 à 19h30, le premier départ du train « Express d’Orient » a lieu de la gare de Strasbourg à Paris (actuelle gare de l’Est) à destination de Constantinople. Selon les sources de l’époques, les passagers étaient tous masculins et avaient reçu, par précaution, la recommandation du port d’une arme à feu.
Après cette première mise en service, il faudra attendre l’automne pour assister à l’inauguration officielle du train « Express d’Orient » qui aura lieu le 4 octobre 1883, il y a aujourd’hui 140 ans.
Journalistes, artistes et personnalités du monde politique et ferroviaire se pressent alors sur les quais pour assister au départ de ce voyage inaugural auquel sont conviés vingt-quatre passagers, dont deux femmes. L’on y trouve le directeur et fondateur de la Compagnie des wagons-lits, Georges Nagelmackers, ainsi que des membres de celle-ci, des hommes politiques et des hauts fonctionnaires français et belges, des représentants des grandes Compagnies de chemin de fer français, des journalistes français et étrangers.
Avec l’Express d’Orient, le trajet entre Paris à Constantinople ne prend alors que quatre jours. Un vrai bouleversement puisque la liaison maritime de Marseille à Constantinople en nécessitait une quinzaine à l’époque. Un événement rapporté avec enthousiasme par la presse.
Pourtant en 1883, le trajet jusqu’à Constantinople n’est pas encore direct. En effet, le train traversait l’Europe de Paris à Nancy, Strasbourg, Stuttgart, Munich, Vienne, Budapest et Bucarest d’où il rejoignait les rives du Danube et son premier terminus, Giurgevo.
Faute d’avoir obtenu une concession pour franchir le Danube, les voyageurs devaient prendre un bac pour traverser le fleuve entre Giurgevo et Russé en Bulgarie. De là, ils empruntaient un train spécial à destination du port bulgare de Varna, sur la mer Noire où un navire à vapeur, l’Espero les conduit en une quinzaine d’heures de navigation jusqu’au Bosphore et à la capitale de l’Empire ottoman, Constantinople.
L’un des journalistes qui faisait partie du voyage, raconte qu’entre Budapest et Timisoara, « un orchestre tzigane bondit dans la salle à manger et entraîna les passagers dans une valse endiablée ». Ainsi, ce train, qui rend l’Orient accessible, ouvre aussi les portes du rêve et de l’imagination.
Pour ce voyage inaugural, l’Express d’Orient fera le trajet aller et retour de Paris à Constantinople en moins de deux semaines. Parti le 4 octobre 1883 à 19h30 de Paris et à l’arrêt pendant cinq jours en gare de Giurgevo, il est de retour le 16 octobre à 6h, après un parcours de 3.094 km par trajet.